
Jules Burnotte a un potentiel fou.
Pour s’en convaincre, il faut cependant décoder son parcours atypique. Intello universitaire, citoyen conscientisé aux enjeux environnementaux, coureur, skieur et franc-tireur, le voici qui s’apprête à entamer sa 3e saison en Coupe du monde IBU, pourvu qu’il se qualifie la semaine prochaine à Canmore.
Déjà l’entraîneur-chef de Biathlon Canada, Justin Wadsworth, qui a beaucoup vu neiger, avait remarqué que Jules avait des carences d’entraînement (https://bit.ly/2HCKmdX ).
Justin a contacté son ami Louis Bouchard (les deux étaient entraîneurs nationaux à Nordiq Canada), entraîneur-chef du Centre national d’entraînement Pierre Harvey (CNEPH), et c’est comme ça que Jules est devenu le premier biathlonien à entrer officiellement au CNEPH.
Il tire un bilan positif de son premier été au Centre. “La première chose, je me suis entraîné dans ma langue tout l’été et j’en suis vraiment reconnaissant, dit Jules. J’étais dans un environnement agréable, pas trop loin de mon monde, ça ç’a fait du bien après un long hiver à l’étranger!
“Puis de m’entraîner avec un groupe aussi fort, aussi engagé et positif que le groupe du CNEPH, ça aussi ç’a des bénéfices. Les entraînements m’ont clairement amené à un autre niveau dans ma rigueur et mon engagement dans les séances puis, comme de fait, dans la qualité de mon entraînement.”
Avec un gabarit comme celui de Jules, 6’5″ et 205 lb, Louis Bouchard a travaillé des points techniques, mais pas seulement la mécanique du mouvement. Il s’est affairé à travailler la dépense d’énergie.

“Ouf, c’est vraiment pas évident ma technique, poursuit Jules. On a travaillé un peu tout mais surtout la connexion entre toutes les parties de mon corps, tant en gym que sur les skis. C’est de pousser dans le bon sens, au bon moment et avec le corps bien placé. Ç’a l’air que quand je pousse, l’énergie se perd un peu tout partout. C’est pas quelque chose qu’on souhaite, on préfère quand ça nous fait aller vers l’avant. Donc tout ce qui allait pas vers l’avant, on l’a travaillé. Le gros truc c’est de pas balancer le tronc d’un bord puis de l’autre, ça, ça me faisait perdre beaucoup d’énergie.”
L’autre portion du biathlon concerne le tir, bien entendu. Là aussi, Jules a abattu beaucoup de travail en tir à sec mais il a surtout connu une semaine d’entraînement extrêmement productive à Canmore en compagnie de l’entraîneur national de tir, Pavel Lantsov.
“J’ai changé ma prise de position couché. Au lieu de mettre la crosse dans l’épaule quand je suis déjà couché, je la mets à genoux et ça me donne une position plus stable, plus rapidement. Ça c’est un gain.
“Sinon ç’a beaucoup été de consolidation de ma stabilité et du travail de détente. Je n’ai pas eu beaucoup d’occasions pour travailler les vents mais ici à Canmore j’explore encore un peu. Le tir, c’est vraiment une affaire de focus et de consolidation.
“Un gros travail qu’on a fait cet été, c’était de tirer sans respirer. Ça me mettait une pression, une forme de stress pour tirer plus vite, un stress qu’il fallait contrôler pour conserver la stabilité. Ç’a été un bon entraînement pour justement travailler le focus et la consolidation.
“Le camp de tir cet été a permis de valider le travail que je faisais à distance avec Pavel et de repartir avec des devoirs si on veut. On a validé ma position, mon rythme de tir, mon travail de stabilité, le travail en situation de course, tout ça, et je suis reparti avec des éléments à consolider et d’autres à travailler. Mon genou droit est souvent plié en tir debout, on a cherché ensemble sur place, on a trouvé des pistes. J’ai pas réglé la chose encore, mais ça s’en vient!
Ç’a vraiment fait du bien pour le tir d’avoir l’occasion de travailler avec lui!”
Cela dit, il reste un point qui chicote. Et qui pose un gros point d’interrogation aux profanes. Quand on scrute ses temps de courses lors des étapes du Circuit estival élite, honnêtement, il n’y a pas de quoi être impressionnés. Qu’y verront les observateurs plus avisés?

“Les observateurs avisés verront en effet que ce n’est pas super bon. J’ai connu une amélioration cet été mais je ne crois pas être au top. C’était un nouveau programme, plus de volume et un groupe plus fort.
“J’ai arrêté quelques courses cet été parce que je me sentais faible, ça ne m’arrivait pas souvent auparavant. On a jasé de ça avec Louis, il faudra voir la saison pour pouvoir être fixés là-dessus, mais pour le moment on s’en fait pas, ça va se placer. On a fait ce qu’il fallait cet été, on avait une bonne communication, pas de surentraînement ou quelque chose comme ça.
“J’ai été malade au printemps, j’ai eu un peu de difficulté et peut-être que ç’a eu un impact plus grand qu’on pense. Sinon mes signes vitaux sont pas inquiétants ou quoi que ce soit, côté physiologique tout est normal. C’est sûr que c’est pas l’idéal mais qu’est-ce qu’on peut bien y faire… S’entraîner, se reposer, bien manger. Ça use un peu le moral mais il faut être patient!”
La patience, c’est là le point le plus important avec cet athlète. Jules n’a encore jamais vraiment vécu un été complet d’entraînement consacré au biathlon! Il a toujours été freiné dans sa progression par la maladie et les blessures. Malade cette année, commotion cérébrale l’été dernier, blessure à une cheville à l’été 2018, mononucléose à l’été 2017 et pas de biathlon du tout à l’été 2016! “J’ai pris une année de break et je suis allé courir dans l’Ouest”, nous a-t-il confié.

Ces retards importants dans sa progression ont affecté sensiblement ses capacités à l’entraînement, ce qui fait qu’en Coupe du monde, quand l’énergie baisse, on dirait un navire qui roule! Qu’à cela ne tienne, son talent brut lui a permis de décrocher une impressionnante 28e place aux derniers Championnats du monde dans la course individuelle, 20 km, la plus longue en biathlon! Il a aussi signé un segment de relais d’anthologie à Oestersund en décembre dernier (https://bit.ly/3mBm0jr).
Jules, par manque d’entraînement de base, est encore parfois à la traîne. Il le sait, il y travaille et il va réussir parce qu’avec un Justin Wadsworth et cie l’hiver et un Louis Bouchard et les athlètes du CNEPH l’été, il ne ratera pas son coup. Et il n’a que 23 ans.
De plus, quand ça compte vraiment, il a cette faculté de puiser une énergie insoupçonnée au fond de ses 6’5″.
Pour l’instant, Jules Burnotte est un athlète grand. L’inversion ne saurait tarder.
