Alexis Dumas, qui a connu une excellente saison, a préparé le compte rendu ci-bas. Étant donné qu’Alexis n’a pas de blog à lui, il a demandé à Skiplus de le publier en son nom.
Cela nous fait donc plaisir de transmettre son texte tel que nous l’avons reçu, sans autre modification. C’est du Alexis à 100%.
Bonne lecture!
Saison 2014-2015
Une autre saison dans mon sillage
Une de plus… mais pas n’importe quelle! Mon début de saison me semble déjà si loin tellement j’ai vécu plein d’expériences cette année. J’ai définitivement l’impression d’être un skieur bien différent de celui qui enfilait ses skis en début d’année avec la fébrilité et le stress d’être sur un Centre National. Je pense avoir beaucoup grandi cet hiver au niveau de l’expérience et de la maturité en tant que skieur. Ce développement avait bien sûr commencé cet été en côtoyant des skieurs plus expérimentés que moi. Ces modèles m’ont énormément appris sur tous les aspects que comprend la vie d’un athlète et l’importance de ces personnes a été capitale dans mes réussites cet hiver. Sans vraiment peut-être le savoir, ces skieurs me montraient la voie à suivre, mais encore mieux, ils me montraient à prendre ma propre voie. Ils m’ont appris que chaque athlète est différent et qu’il faut faire ce qui convient le mieux pour nous et sans vouloir imiter quelqu’un d’autre. Je voudrais donc commencer en remerciant ces skieurs pour toutes les petites choses qu’ils ont faites pour moi durant mon été et mon hiver avec eux.
Je commençais donc ma saison avec la meilleure préparation possible et avec l’envie de me dépasser et aller jouer à chevaucher mes nouvelles limites physiques et mentales. Mes courses ont commencé dans l’Ouest canadien avec des coupes NORAM. La machine était prête et les performances étaient bonnes: 2 victoires en 3 courses de distance. J’étais très content et le stress du début de saison commençait à s’estomper. Je me sentais mieux que jamais et j’avais vraiment hâte de voir comment la forme allait être aux grands rendez-vous de la saison. Le premier qui se déroulait à Duntroon en Ontario était les Sélections pour les Championnats du Monde Junior. J’ai remporté la première course ce qui m’a assuré ma place sur l’équipe canadienne pour prendre part à cette compétition internationale.
J’allais donc participer pour la deuxième fois aux Championnats du Monde Junior, mais cette fois-ci les choses étaient bien différentes de la première. Je savais à quoi m’attendre et la forme physique et mentale était bien meilleure que l’année précédente. Je partais donc pour Almaty au Kazakhstan avec une équipe formidable autour de moi. Tous les éléments étaient réunis pour faire des performances extraordinaires: la meilleure forme de ma vie, des entraîneurs incroyables et des supers bons amis avec moi. Tous ces éléments m’ont permis d’aller chercher la dernière pièce du casse-tête de la performance, c’est-à-dire, l’aspect mental. Je suis entré dans une sorte de zone où rien n’était impossible. Je contrôlais chaque petit détail et tout était fait à la perfection. Cela m’a permis de porter fièrement mon dossard sur la ligne de départ avec la certitude que j’étais à ma place autant que n’importe quels champions norvégiens ou russes. Je n’étais pas intimidé par personne; ce n’était pas de l’arrogance mais plutôt une sorte de respect envers les autres athlètes. Là était toute la différence avec l’année précédente. Sur la ligne de départ, les vêtements du Canada sur le dos, les pieds sur la ligne rouge, les tibias accotés sur le portillon de départ, les bâtons bien enfoncés dans la neige et l’horloge où défilait les secondes avant mon départ juste à ma gauche, je n’avais aucun doute, aucun stress, j’étais prêt!
Malgré toute cette belle préparation après seulement 3km de ce 10km skate départ individuel, j’avais les poumons en feu à cause de la piètre qualité de l’air du Kazakhstan et peut-être un peu… parce que j’étais essoufflé! Malgré toute ma bonne volonté, je suis sorti de la « zone » et j’ai commencé à perdre le rythme. Toutefois, j’ai fini en 30ième position. J’étais très satisfait mais je savais que j’en avais plus que cela à donner. En bonus, j’étais le premier Nord-Américain!
J’ai rapidement passé à autre chose, parce que ce n’était pas le temps de trop analyser ma performance quand j’avais encore une autre course à faire. Cela n’a pas été difficile; c’est là que la présence de bons amis et de nouvelles rencontres qui vont définitivement devenir de grandes amitiés a été très utile. J’étais donc prêt pour retourner au combat dans le 20km skiathlon, une course à laquelle j’avais pensée tout l’été quand la douleur et la fatigue me semblaient insoutenables.
Pow! Le départ est donné! Les gars devant moi décollent comme des avions, mais je réussis à rester avec le groupe de tête. Au pied de la première grosse montée, je me trouvais environ en 30ième position. C’est là, précisément à ce moment, que le fait de n’être intimidé par personne a fait toute la différence. Je suis sorti des sillons sans réfléchir et j’ai skié le plus vite que je pouvais pour me mettre dans une meilleure position. Au sommet de cette montée, j’étais côte à côte avec un norvégien sur la première ligne du peloton. Ensuite tout m’a semblé avoir passé si vite à l’exception de mon changement de skis qui a été désastreux. Ironie du sort, j’agaçais mes coéquipiers qui se pratiquaient à cette manoeuvre à l’entrainement en leur disant que ça ne changeait rien à la course… Et bien, j’aurais peut-être dû me pratiquer parce que j’ai eu un des pires chronos à l’échange de tous les coureurs présents! Malgré cela, je me suis retrouvé dans un bon groupe dans la partie skate de la course. J’avais encore de l’énergie et mes entraineurs faisaient un travail fou sur le côté de la piste à s’époumoner pour m’encourager. Dans le dernier kilomètre, j’étais derrière un norvégien et je me battais pour rester avec lui. À chaque poussée, tout mon corps brulait de douleur, mais ma tête, quoiqu’un peu étourdie par la fatigue, était relaxe et en contrôle. Elle me gardait debout sur mes skis qui étaient de vrai bombes, grâce au travail acharné des farteurs. Dans la dernière ligne droite, j’ai sprinté pour dépasser ce norvégien, mais il n’y avait rien à faire, il ne me restait plus une goutte d’énergie. Une fois la ligne d’arrivée traversée, malgré la fatigue qu’aucun adjectif pourrait vraiment d’écrire, la frénésie et l’excitation me gardait debout. J’avais réussi mon plus gros objectif de la saison, la meilleure performance de ma vie, une 18ième place au Monde chez les Juniors. J’ai vite enlevé mes skis pour courir serrer dans mes bras mon coach et les farteurs. En courant vers eux j’ai vite ressenti d’énormes crampes dans les jambes. Malgré l’excitation toujours aussi grande, c’est à la marche que je les ai rejoints.
Il restait encore une course pour conclure ces merveilleux Championnats du Monde : le relais 4x5km. J’étais le premier relayeur et je voulais vraiment donner la meilleure position possible à mon équipe. Montrer que le Canada avait une équipe de 5 supers Juniors hommes cette année pour le représenter aux Mondiaux. Malgré un départ lent, je commençais à trouver mon rythme dans le deuxième tour, avant que je m’accroche avec un suisse et que je perde de précieuses secondes. J’ai tout de même donné le relais en 7ième position content de mon effort.
Après ces deux semaines au Kazakhstan, j’ai appris une nouvelle qui allait complètement changer ma saison. J’étais sélectionné pour le Tour B. Cela consistait à 2 semaines de plus en Europe pour faire des courses sur le circuit de la Coupe Scandinave, circuit le plus relevé au Monde après les Coupes du Monde bien sûr. J’allais être avec les membres de l’équipe National Senior de Développement. Au niveau des hommes, j’étais le plus jeune par 4 ans de différence. J’ai donc pris l’avion d’Almaty, Kazakhstan, avec une idée en tête: apprendre le plus possible de ces skieurs et surtout profiter de cette expérience incroyable. J’ai donc rejoint le reste de l’équipe en Lettonie. Je ne vous cacherai pas que toute cette nouveauté me stressait un peu. Je me sentais comme à ma première année aux Mondiaux Juniors et je savais que cet état d’esprit n’était pas optimal pour la performance et que je devrais travailler fort mentalement pour rester dans la zone dans laquelle j’étais au Kazakhstan.
Notre premier stop était les Championnats de Lettonie où le niveau n’était pas très relevé. Il s’agissait d’une préparation pour l’équipe qui arrivait du Canada et pour moi une occasion de voir comment allait la forme après 2 semaines de dur travail au Mondiaux Juniors. La première course était un sprint classique. Je me sentais dans une forme incroyable. Je skiais comme je ne l’avais jamais fait auparavant dans un sprint. En finale, je me suis battu jusqu’à la fin pour finir 3ième, mon premier podium à l’international. J’étais vraiment content de voir que l’énergie était encore là et que je semblais infatigable. Après une autre course de distance aux Championnats de Lettonie, nous sommes partis pour participer à une étape de la Coupe Scandinave. Les choses sérieuses commençaient. L’équipe norvégienne était là et cette fois-ci pas des Juniors, mais plutôt des Seniors dont plusieurs avaient déjà fait des Coupes du Monde. Il était difficile pour moi de me concentrer sur mes courses parce que je voulais tellement voir tout ce que les autres athlètes faisaient que j’en oubliais presque ce que moi je devais faire. Je devais contenir mon éblouissement face au fait de me réchauffer aux côtés de médaillés de la Coupe du Monde.
Toutefois, sur la ligne de départ, j’étais bien dans ma bulle et ma première course fut très dure mais également très éducative. Pour certains, vous vous direz qu’il doit être ardu d’apprendre des choses durant une course, mais bien au contraire, je pense que c’est à ce moment que tu peux véritablement voir où sont les différences entre toi et les autres skieurs.
J’ai vite compris qu’ici tout le monde veux gagner et la différence entre ces courses et celles au Canada est que là-bas, et bien, il y a vraiment beaucoup de coureurs qui ont raison de penser qu’ils peuvent gagner parce que c’est extrêmement serré. Le fait que le niveau soit aussi compétitif rend tous les coureurs très agressifs, agressifs dans le bon sens du terme. Ils sont prêts à souffrir et à tout donner dès le départ et jusqu’à la dernière poussée. Il n’y a pas de repos dans une course en Europe. Il y a toujours un gars prêt à aller en avant et faire accélérer la course. Malgré que j’étais loin d’être dans le coup avec les autres coureurs présents à ces courses, j’ai appris beaucoup et je veux amener cette mentalité au Canada. La prochaine fois que je vais aller courir en Europe, je veux être prêt pour ce nouveau niveau de compétition auquel je venais d’être exposé.
À mon retour au Canada, j’étais content de me reposer, mais je devais faire vite parce que les Championnats Canadiens arrivaient à grand pas. C’est donc moins de 2 semaines après mon arrivée que je suis parti pour les dernières courses de ma saison. J’étais très content de revoir l’équipe du CNEPH, pas seulement les athlètes, mais aussi les entraineurs et farteurs. Je me sentais entre amis, comme si la famille était réunie à nouveau pour le dernier droit avant les vacances. Toutefois, la fatigue accumulée tout au long de la saison commençait à se faire ressentir. Malgré mes efforts pour garder le cap vers la performance, mon corps n’avait plus la vigueur du début de saison. L’énergie que je voulais ramener de l’Europe semblait avoir pris un autre avion que moi au retour… J’ai donc enfilé mon dossard avec l’idée d’aller voir ce qui restait d’énergie. J’ai été bien surpris du résultat. Malgré que le corps manquait de punch, le mental était encore là. Mes départs de course étaient lents, mais chaque fois qu’un skieur me dépassait, j’étais capable de repousser la douleur pour accélérer et le suivre. J’ai donc fini deux fois en 2ième place aux deux premières courses de distance. Après ces deux courses, j’étais le meneur dans la catégorie Junior.
J’étais déterminé à garder ce dossard jusqu’à la fin, mais la journée de sprint n’a pas été à mon goût. J’ai connu le même problème qu’aux autres courses, mais cette fois-ci la course était trop courte pour que j’entre dans mon rythme et que je reprenne le dessus. Je ressentais définitivement la fatigue de la saison et je commençais à perdre le mental aussi. Il restait une course au calendrier et je devais redémarrer le moteur ou du moins, rajouter du gaz d’une façon ou d’une autre. Par contre, faire le plein d’énergie n’est pas facile en seulement deux jours de repos. Le départ de la dernière course s’est donc donné sans que je me sente vraiment prêt pour la bataille. La seule façon pour moi de continuer était de changer mon état d’esprit de la performance vers le plaisir. Ces deux états d’esprit vont souvent de pair, il s’agissait seulement que je m’en rappelle. J’ai donc skié pour le plaisir de la performance ce qui m’a mené à une belle 4ième position. J’ai donc fini ces Championnats avec une 2ième position au classement général dans la catégorie Junior. J’étais satisfait, mais déçu d’avoir manqué de jus si proche de la fin et de ne pas avoir combattu comme je l’aurais aimé.
Finalement, je jette un regard très positif sur ma saison. J’ai réussi mon plus gros objectif, c’est–à-dire, faire un top 20 aux Championnats du Monde Junior. J’ai énormément appris et j’ai été inspiré par les skieurs avec qui j’ai eu la chance de courser en Europe. Mais surtout, j’ai eu du plaisir tout au long de ma saison à côtoyer des gens exceptionnels partout où j’allais. C’est pourquoi je tiens à dire merci à tous ceux qui ont rendu cette saison possible, mais aussi à tous ceux qui en ont fait parti, parce que sans adversaires, la compétition perd tout son sens…
Alexis Dumas
Équipe Nationale Junior
1er avril 2015