
Pierre-Nicolas Lemyre
Nous avons posé quelques questions au nouveau conseiller en haute performance et développement de Ski de fond Canada, Pierre-Nicolas Lemyre.
C’est un choix judicieux. Ce docteur en psychologie est chef de département de psychologie et coaching à l’Université des sports d’Oslo. En plus de savoir écouter athlètes et entraîneurs, il saura faire profiter le Canada de sa précieuse expérience au sein des instances sportives norvégiennes, notamment de ski de fond et de biathlon.
À travers cette entrevue, il expose sa vision du ski de compétition au sein de Ski de fond Canada pour les années à venir.
par pierre shanks
Soulignons que Pierre-Nicolas a signé un contrat d’un an et exercera ses fonctions à temps partiel à partir d’Oslo, où il retournera en août. Il se déplacera pour des rencontres importantes et certains camps d’entraînement et compétitions.
SP: Comment s’est effectué le contact avec SFC?
PNL: J’ai rencontré Shane Pearsall pour la première fois au mois de février. Je suis en année sabbatique et je collabore avec Penny Werthner à l’Université de Calgary. Je passe l’année scolaire 2017-18 à Canmore avec ma famille. On retourne à Oslo au début août.
SP: Des compressions sévères (À nous le podium) frappent le fond canadien. Au CNEPH, deux des trois entraîneurs, François Pépin et Charles Castonguay, ne pourront encadrer à plein temps les athlètes la saison prochaine, ce qui n’est pas de nature à favoriser la progression de la relève. Quelle stratégie comptes-tu mettre de l’avant face à cette nouvelle réalité?
PNL: Le rôle et la mission de À nous le podium sont clairs. C’est une organisation qui supporte les programmes canadiens avec des athlètes qui présentent des chances de médailles aux Jeux olympiques et paralympiques. Mais ils supportent aussi le développement des athlètes “Next Gen”. À nous le podium est un partenaire important et nous allons collaborer étroitement avec eux pour continuer à soutenir nos athlètes de pointe ainsi que la relève montante. Il y aura toujours des fluctuations dans le support financier d’un programme de haute performance. À moyen terme, on cherchera à établir de nouveaux partenariats qui nous aideront à financer l’essentiel de nos activités d’une façon stable et prévisible.
Le ski de fond demande un grand investissement de temps et d’efforts à long terme pour atteindre des objectifs élevés. Francois et Charles sont super compétents, et malgré les ajustements nécessaires pour pallier aux changements budgétaires, il n’y a aucun doute qu’ils sauront contribuer de façon significative à la progression de la relève. Le CNEPH est une organisation résiliente et on est confiant que les athlètes sauront se développer avec les ressources qui seront en place. Et SFC va offrir un programme national qui sera en mesure de suivre la progression de nos athlètes vers de grandes performances sur la scène internationale.
Des coupures de budget représentent souvent une opportunité pour faire une évaluation approfondie et de s’assurer qu’on tire le maximum des effectifs en place. Heureusement, l’histoire du sport canadien est remplie d’exemples où de grandes performances sont venues à même des structures aux moyens limités. Il y a beaucoup de passion et de compétence en ski de fond au Canada. Si on réussit à établir une bonne culture de partage et de collaboration d’un océan à l’autre, on a une opportunité unique de bâtir une structure qui saura supporter le développement de plusieurs générations de fondeurs au pays.
SP: La Norvège est le paradis du ski de fond. Quel élément le plus fondamental de la culture du fond norvégien de compétition pourrais-tu importer pour faire grandir le fond canadien?
PNL: La collaboration et le partage de connaissances. Une approche scientifique et rigoureuse pour le développement des athlètes.

Pierre-Nicolas Lemyre
SP: À l’exception d’Alex Harvey, le fond canadien est en perte de vitesse sur la scène
internationale. Vu de l’extérieur, en Norvège, mais très près du sport, et étant Canadien, as-tu une opinion sur le fait que SFC n’a pas réussi à développer dans le sillon d’Alex un(e) ou deux skieurs(euses) capables de monter sur des podiums internationaux?
PNL: Alex a livré de solides performances, c’est un très grand athlète. Il rivalise avec les plus grands de notre sport depuis plusieurs années. De plus, plusieurs membres de l’équipe canadienne ont livré de grandes performances sur la scène internationale ces dernières années. Le Canada a très bien fait en équipe sur la Coupe du monde. Au cours de la dernière saison, Len et Alex ont livré des performances records aux Jeux olympiques. Il y a plusieurs jeunes qui ont offert de belles performances en Amérique du Nord et en Europe et qui seront bientôt prêts à représenter le Canada en Coupe du monde. C’est exceptionnel ce que le Canada a accompli depuis 2002. C’est important de souligner la réussite du programme au cours des 16 dernières années.
J’ai aussi eu l’opportunité de travailler avec des athlètes qui ont gagné des médailles aux Jeux olympiques. Je pense que cette expérience sera importante dans la préparation de l’équipe pour les Jeux de 2022 et 2026.
Il est aussi important de souligner la grande performance de nos techniciens pour appuyer nos fondeurs. Cette compétence sera très importante pour atteindre nos objectifs de performance au cours des prochaines années.
On souhaite avoir une équipe nationale avec des athlètes féminins et masculins qui performent à un très haut niveau. On aimerait que davantage d’athlètes se partagent les grands honneurs. Il faut profiter de l’ascension de certaines vedettes pour entraîner le groupe vers de grandes performances.
SP: En raison des compressions, Alex Harvey est freiné financièrement pour défendre son titre de champion du monde. Il y a même des inquiétudes concernant la perte possible de son “testeur”. Comment abordes-tu le soutien de SFC à Alex la saison prochaine, vraisemblablement sa dernière?
PNL: C’est une priorité pour SFC d’appuyer Alex (et tout autre athlète de l’équipe nationale) pour qu’il puisse rivaliser avec les meilleurs fondeurs en Coupe du monde et aux Championnats du monde. On est confiant qu’Alex recevra le support nécessaire pour atteindre ses objectifs et nos objectifs communs.
SP: L’équipe nationale 2018-2019 a été annoncée avant ton arrivée. Une incongruité: Olivia Bouffard-Nesbitt s’est qualifiée pour le premier bloc de la Coupe du monde, mais… elle n’est pas retenue au sein de l’équipe nationale. As-tu les mains libres pour apporter des changements que tu jugerais pertinents?
PNL: Je viens tout juste de rentrer en poste et je ne peux pour l’instant me prononcer sur ce cas en particulier. Je m’attends à être impliqué dans les décisions de sélection pour les courses où nos athlètes vont représenter le Canada sur la scène internationale. Les critères de sélection représentent un défi dans tous les sports. C’est important pour nos athlètes qu’ils puissent se développer et performer au sein d’un système avec des critères de sélection qui sont clairs et justes.

Pierre-Nicolas Lemyre