Farte tout sans rien dire!

Marc Couture au travail

Ceux qui nous suivent depuis un temps savent combien Skiplus met en valeur l’encadrement des athlètes.

Ils et elles ont beau avoir du talent, ils n’atteindront pas les échelons supérieurs sans un encadrement adéquat. En biathlon comme en ski de fond, les entraîneurs, farteurs, médecins et psychologues sportifs, physiothérapistes, massothérapistes, préparateurs physiques, nutritionnistes et autres spécialistes sont vitaux dans la progression des athlètes d’élite.

par pierre shanks

Nous avons déjà écrit sur l’art du fartage, un élément aussi essentiel qu’incontournable pour tout athlète en ski de fond ou biathlon.

Biathlon Canada compte un nouveau farteur cette saison en Marc Couture, un policier de Québec à la retraite, l’un des meilleurs coureurs d’endurance au monde dans sa catégorie d’âge et un fou furieux du ski de fond. Marc a publié récemment sur sa page Facebook personnelle un récit passionnant et plein d’humour de son travail de farteur au sein de l’équipe nationale de Coupe du monde.

Nous lui avons demandé de reprendre son texte au bénéfice de nos lecteurs et lectrices. Nous n’avons fait que des corrections esthétiques, histoire de garder toute la saveur du texte et il y en a beaucoup! Voici donc:

Le Canada transporte skis et équipement dans l'un de ces conteneurs qui sert ensuite de cabine de fartage. Les équipes plus riches possèdent de plus luxueux camions de fartage.
(Les techniciens canadiens s’installent dans l’un de ces conteneurs, fournis par les organisateurs, qui sert de cabine de fartage. Les équipes plus riches possèdent de plus luxueux camions de fartage.)

Farteur! Eh oui, un job qui existe pour vrai.

Pour ceux que ça intéresse et qui se demandent ce que ça fait un farteur en biathlon et comment ça fonctionne à un niveau de Coupe du monde, juste à lire jusqu’en bas et espérer comprendre quelque chose de mes explications. “Dis tout sans rien dire”, comme le chantait Daniel Bélanger.

Faut d’abord savoir qu’en biathlon, il n’y a que du fart de glisse, car toutes les courses sont en style skating. Donc pas de fart de retenue tel qu’utilisé en style dit classique. Pourquoi se donner de la misère?

Y’a pire, je sais.

Une journée de waxtech, c’est quand même assez physique. Nous sommes les premiers arrivés sur le site de compétition et toujours les derniers à quitter… Des journées de 10 heures, c’est pas mal la moyenne… OK disons 8-9. Même des fois moins quand y’a juste une course au programme de la journée, mais des fois plus en début de saison lorsqu’il faut beaucoup tester les skis et mettre la flotte au complet au même niveau avec les farts… les jours où nos 8 athlètes font la course. Et parfois le dernier jour de la semaine de course, quand on doit préparer chaque ski pour le transport, remballer tout le bataclan et se diriger au prochain site de compé…

Enclos équipe canadienne
(Il faut tester et tester encore sur ordres de Rafi le grincheux et Andrew The Freak!)

Combien vous avez de paires de skis? me demande-t-on parfois.

J’ai jamais compté, mais à l’oeil je dirais que nous avons une flotte d’environ 150 paires de trois compagnies différentes, déclinées en plusieurs types de bases pour différentes conditions de neige, de températures, etc… Il faut chaque jour préparer les skis que le patron Rafi et l’assistant Andrew (NDLR: Raphaël Grosset et Andrew Chisholm) vont sélectionner pour chaque athlète et que nous allons tester sur la neige en vue de la course du jour.

En gros ça veut dire qu’on fait quelques manipulations avec les skis que je ne peux pas dire sinon le chef, il va pas être content. Après on fait des tests de glisse avec la sélection du Grincheux dans le but de trouver la paire la plus rapide. Normalement, on teste 6-8 paires de skis pour chaque athlète. Disons que 6 paires ça tourne assez rondement, mais des fois le patron il fait le malin et il en rajoute et en rajoute. Par chance, cette année on doit porter des masques, ça me permet de bougonner sans que ça paraisse.

Les testeurs à l'oeuvre
(Les testeurs à l’oeuvre)

Quand les 8 athlètes ont une course dans la même journée, ça fait pas mal de skis à tester. Ce qui nous sauve un peu, c’est que quelques athlètes se partagent leur flotte de skis. Pour donner une idée, tester 20 paires de skis ça prend environ 90 minutes à deux. Les tests de glisse se font dans une descente, qu’il faut remonter via une boucle de 300 à 400 mètres. Y’a peut-être 20 équipes qui font pareil. C’est certain que ça va vite et que ça joue un peu du coude. C’est comme faire des intervalles tous les jours. T’as pas le temps de fumer une clope ou de prendre ton espresso sur la piste, ça non! Nous ne sommes que 4, mais certaines équipes ont vraiment beaucoup de testeurs. Ça fait pas mal de monde dans une petite boucle à monter et à descendre pour trouver la bonne bête pour chacun de nos biathloniens et biathloniennes. C’est comme un vortex de waxtech. T’es pris dedans et tu peux quasiment plus en sortir.

Vous mettez-tu de la mauve? Hey, ça la mauve, ça fly! me demande-t-on encore.

Il faut tester pas trop longtemps avant la course pour essayer d’avoir les conditions les plus proches possibles de celles de la course plus tard dans la journée. En parallèle, il faut tester des skis avec différents farts et aussi d’autres skis avec la touche secrète d’Andrew le bourreau. Lui c’est pareil, il est pas mieux que Rafi. Y’a toujours un test de plus à faire qui se termine finalement par 3-4 km de plus dans les jambons souvent déjà bien éclatés. On parle au final d’une bonne trentaine de paires de skis à tester et parfois plus si les 8 athlètes canadiens coursent. Ça fait en gros entre 15 à 35 km par jour à tourner en rond accoté au fond. Pfff j’te jure!!! Ne faites pas ça à la maison.

(Marc Couture)

Une fois trouvé le meilleur fart et la meilleure touche secrète d’Andrew The Freak, tu appliques tout ça sur les meilleurs skis et tu espères que ça marche et honnêtement, pour le moment, on donne du très bon stock. C’est comme cuisiner un pâté chinois finalement. Si tu as du bon steak haché, du bon maïs et des bonnes patates, ça va faire un bon pâté chinois, tant que tu suis l’ordre.

Plus souvent qu’autrement, les skis sont prêts 15-20 minutes avant la course. Y’a de la boucane en masse dans la wax cabin et de la sueur qui perle sur les fronts. Et c’est là que Rafi demande qui veut aller porter les skis sur le plateau de départ. Rendu là, je suis habituellement pas mal claqué. Je regarde à terre et je fais l’hypocrite. Comme si j’avais pas entendu en espérant que quelqu’un s’offre pour y aller. Quand personne répond, je craque et puis je cours porter les skis comme si ma vie en dépendait en suffoquant dans mon masque.

Des skis de course niveau Coupe du monde, c’est comment dire… pas mal le fun à skier. Fie-toi su moé mon chum, la mauve c’est hot!

Après faut aller sur le bord du parcours dans des endroits stratégiques pour se geler les coui… euh… donner des bâtons en cas de casse, encourager les athlètes, donner du ravito et des temps de passage. Après la course, il faut tout nettoyer et chouchouter les skis testés et les skis de course pour être prêts à tout refaire le lendemain.

« Eille le jeune, mets ça dans ta pipe! »

Après deux mois à ce rythme, j’avoue que parfois la mécanique grince, mais j’ai la chance d’être au moins deux fois plus vieux que la plupart des autres waxtechs. Ça me fait une bonne excuse à donner quand je traîne un peu! 🙂

Sans blague, quelle belle expérience quand on est fou de ski de fond.

Marc Couture
(Marc Couture)
Marc Couture au travail

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2 thoughts on “Farte tout sans rien dire!

  1. Bonjour Pierre,

    Beau reportage sur les championnat mondiaux junior. J’ai donné l’adresse de Skiplus aux lecteurs du Journal des membres d’Orford pour suivre Olivier Léveillé.
    Jean Pinard
    Vice-président
    Club de ski de fond Orford

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