
Les biathloniens canadiens Megan Imrie, Zina Kocker, JP Leguellec, Brendan Green, 6es à Hochfilzen, Autriche, 2012
L’impression que nous avons, peut-être à tort, est que ce n’est qu’une question de temps avant que des relais mixtes refassent surface en ski de fond.
par pierre shanks
Eh oui, refassent, car il y en a déjà eu. « Il y a eu un relais mixte il y a plusieurs années en Coupe du monde, nous renseigne Tom Holland, directeur Haute performance à Ski de fond Canada (SFC). Cela a été discuté à la FIS en 2013, mais n’a pas été revu par la suite.»
Chose certaine, c’est une bonne façon de créer une équité entre les deux sexes: faisons-les skier ensemble!
Et ça marche. Les épreuves mixtes sont très populaires en biathlon. Il y a un relais mixte (deux femmes et deux hommes) et en 2015, la Fédération internationale (IBU) a même ajouté un relais mixte individuel en Coupe du monde (une femme et un homme qui font chacun deux boucles, une avec tir debout et une avec tir couché).
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«L’IBU a toujours pris les devants depuis plusieurs années pour introduire de nouvelles courses, indique Andy Holmwood, directeur général de Biathlon Canada. Cette (nouvelle) épreuve est particulièrement attirante pour les nations qui manquent de profondeur pour se démarquer dans les autres formats de relais.
«Et ça ajoute au programme une autre course “premier-à-croiser-la-ligne gagne»”. Ces courses sont plus faciles à suivre, tant sur place qu’à la télévision.»
«Les relais mixtes, c’est génial, affirme Zina Kocher. C’est formidable pour les amateurs et pour les athlètes. Ça ouvre la porte à davantage d’équipes et de pays, parce que toutes les équipes ne comptent pas quatre hommes ou quatre femmes. Il en résulte donc une plus grande variété d’équipes sur les podiums.
«Et oui, être jumelé(e) à l’autre sexe est super. Ça donne une autre dynamique d’équipe. Quand ils ont introduit les premiers relais mixtes, c’était femme, homme, femme, homme… et tous faisaient 6 km. C’était plutôt marrant. On pouvait voir des femmes se faire dépasser par des hommes.»
«Le relais mixte est excellent pour plusieurs raisons, ajoute Rosanna Crawford. Pour attirer des amateurs, d’abord et avant tout, mais aussi l’image d’hommes et de femmes qui s’unissent pour la gloire de leur pays est un merveilleux concept qui, j’espère, sera adopté dans plus de sports.»
Perspective masculine
«Les relais mixtes sont amusants, mais souvent ils ajoutent une pression supplémentaire, comme tous les relais», selon Nathan Smith, qui est devenu la saison dernière le premier biathlonien canadien (masculin) à remporter une médaille aux Championnats du monde, en finissant deuxième au sprint 10 km à Kontiolahti, en Finlande. Puis il a remporté sa première médaille d’or en Coupe du monde dans la poursuite 12,5 km à Khanty-Mansiysk, en Russie.
«Je les aborde exactement comme des relais à quatre masculins. Souvent les écarts peuvent être un peu plus prononcés en arrivant à la troisième boucle parce que les équipes féminines ne sont pas toutes du même calibre. Si ça se passe bien pour nos femmes, ça peut devenir un bon avantage quand elles passent le relais aux hommes.
«Les femmes partent toujours en premier et je trouve qu’elles ont tendance à se mettre encore plus de pression que dans un relais à quatre féminin. Ce n’est généralement pas une bonne façon d’aborder une course de biathlon. Mais je pense que ça s’améliore de plus en plus avec l’expérience.
«Les relais mixtes en biathlon sont de formidables courses pour les amateurs. Je trouve que le ski de fond rate là une belle occasion.»
La position de SFC et de la FIS
«Certains athlètes en Coupe du monde ont exprimé le désir de voir des relais ou des sprints mixtes, relate Tom Holland qui, rappelons-le, siège aussi sur le comité de ski de fond Coupe du monde de la FIS.
«Dans un sondage en 2013, 48% des athlètes interrogés étaient favorables à un relais mixte contre 27% seulement pour un sprint mixte par équipe. Le relais demeure une course traditionnelle source de fierté nationale au sein des grandes nations de la Coupe du monde.
«Je ne suis pas convaincu que des épreuves mixtes feraient mousser la popularité du ski de fond. L’avantage serait de pouvoir déterminer de façon inclusive quelle nation est vraiment la meilleure sur tous les plans.
«En ce qui concerne Les Jeux olympiques et les Championnats du monde, cela signifierait une course de moins en éliminant les relais traditionnels. Étant donné que les Olympiques compteront probablement moins d’épreuves dans le futur, ceci pourrait être une bonne proposition. Je ne suis pas sûr si les hommes et les femmes voudront éliminer les relais traditionnels.
L’inévitable
L’égalité par les courses basée sur les temps a fonctionné pour le biathlon, mais le ski de fond pourrait fort bien suivre sa propre voie. Tom Holland, lui, a choisi son camp.
«Les femmes ont exprimé le désir de courses de distances identiques dans les épreuves sur plat des Tours. Ça semble une demande raisonnable. Peut-être pourrait-on appliquer cela sur la Coupe du monde dans au moins une course par Tour.

L’équipe féminine des mondiaux 2015 a hâte à l’étape de la Coupe du monde 2016 qui sera présentée à Canmore en février.
«Je crois qu’il est inévitable qu’il y aura des épreuves de distance identique pour les deux sexes dans le futur. Le 50 km serait un premier pas intéressant dans cette direction. C’est la longue distance la plus prestigieuse en Coupe du monde. Nous savons des ultramarathons que les femmes excellent dans les disciplines d’endurance. Pourquoi le 50 km ne serait-il pas le même pour les hommes et les femmes comme il l’est au marathon de course?
«En tant que pays, le Canada n’a jamais fait belle figure sur la scène internationale au 30 km féminin. Dans l’histoire plus récente, nos femmes se sont davantage distinguées dans les sprints et les distances moyennes. Évidemment, cela peut changer. Il serait bien d’en entendre davantage à ce sujet des femmes canadiennes.»
Conclusion
Que ce soit par des distances identiques ou basées sur les temps, ainsi que des épreuves mixtes, le ski de fond n’échappera pas à l’égalité des sexes. Cela ne fait plus de doute.
Ce qui fait encore moins de doute, c’est qu’il appartient aux athlètes féminines, comme cette femme de tête qu’est Sophie Carrier-Laforte, de se lever et de faire valoir leurs points de vue.
L’égalité des sexes, en ski de fond comme dans toute société qui se respecte, ce n’est pas une faveur.
C’est un droit fondamental.